Les Experts-Comptables et leurs “outils” — cartes sur table

Les EC doivent-ils partir en guerre contre leurs outils ? Certainement pas, mais il ne faut pas non plus qu’ils deviennent les outils de leurs outils.

Il faut séparer les questions et tout d’abord bien définir les termes. Un outil est le prolongement de la main, il augmente, précise sans changer l’intention et la portée prévisible de notre geste. Pour cette dernière raison, les armes, singulièrement à feu et automatique, sont à identifier, compte tenu de leur portée bien particulière, de nature à changer le cours même de la vie de façon néfaste si elle est employée offensivement et même dans certains cas défensivement mais pour des motifs plus compréhensibles.

Ce que l’on appelle outil dans l’EC est plus souvent autre chose qu’un outil. Si l’on y recourt dans un contexte informatique, c’est le plus souvent un programme. Un programme n’est pas un outil. Ce n’est pas le simple prolongement de notre main. Un programme écrit pour le compte de son concept et d’une utilisation présumée voire anticipée. Un programme suppose une pensée, une conception qui l’ont fait naître, court-circuitant le trouple cerveau-main-outil.

Un EC a un Bac+8. Un tel niveau sanctionne non seulement la capacité à problématiser une situation (niveau Bac+5) mais aussi à identifier de nouvelles situations potentiellement problématiques voire de nouveaux champs de connaissance dans lesquels identifier ces situations. Le moins que l’on puisse faire à ce stade c’est de ne pas non contenter d’être les outils de nos outils et de penser par nous-mêmes. Par analogie avec les écrivains, nous ne sommes pas éditeurs, ni typographes, ni imprimeurs mais nous formons le livre, justifiant sa raison d’être par notre écriture. Nous devons nous intéresser au design et au destin des programmes qui nous environnent pour améliorer notre pratique, c’est-à-dire élaborer la gestuelle la plus économe, la plus compréhensible et la plus élégante pour accompagner et conseiller nos clients. Quel est cet accompagnement, quel est ce conseil ? Les aider à identifier, détecter, mesurer le moyen de transformer leur travail (ce qui inclut leur personnel bien entendu) en valeur et cette valeur en patrimoine. La technologie peut y aider mais ne peut pas remplacer ce rôle fondamental, profondément humain, alliant les ambitions de notre intellect, les aimants plus ou moins bien orientés de nos intuitions et de nos émotions et l’incarnation finie de nos corps et la conscience inexorable du temps qui passe, orientant notre action vers le sens, la durabilité, la transmission car précisément naturellement rien ne dure.

Les outils, oui, les programmes bien sûr, mais tout finit là où tout commence, la commensurabilité d’une affaire, d’une maison, comme on disait jadis, grande, moyenne ou petite, et la commensalité entre l’entrepreneur et son conseil, perspicace, exigeant et complice — cartes sur table.

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